Dans les quartiers informels du Cap, créés pour ségréguer la population racisée pendant l’Apartheid, le gouvernement sud-africain n’a jamais construit de système d’égouts, d’où l’absence de toilettes à chasse d’eau. Chaque résident·e doit donc inventer une solution individualisée pour se débarrasser de ses excréments. Excrétapolitiques est un documentaire composé de rencontres avec une vingtaine de personnes qui luttent contre cette injustice infrastructurelle.
Genre: Documentaire
Langues: Xhosa, Anglais, Afrikaans, Sesotho
Durée: 114 min
Année: 2024
Projections
Festival du film de Johannesburg 2024
Festival international du film documentaire iRepresent de Lagos 2024
Tënk (streaming, jusqu'à la fin août 2024)
Réalisateur Yoel Meranda
Producteurs Xavier Rocher (La Fabrica Nocturna Cinéma, France)
Yoel Meranda (Kamara, Turquie)
Coproductrices Bongiwe Selane (Blingola Media, Afrique du Sud)
Kristina Konrad (Welt Film, Allemagne)
Liste des participant·es (par ordre d'apparition) Nokonwaba Mbotshwa, Louisa Theron, Stjhaba Kolanchu (Sizwe), Anezwa Fetile, Nosipho Klaas, Shadrack Shooter Dano, Singilizwe Booi, Zukiswa Qezo, Mike P Phindile, Sisipho Filane, Lilitha Filane
Inspiré par les photographies de Masixole Feni’s photographs
Consultant du projet Masixole Feni
Assistant réalisateur Nahum Thulani Deke
Monteur·euses Tsholofelo Monare, Yoel Meranda
Traducteur·ices Biko Ngcobo, Enathi Mqokeli
Graphisme et Génériques Sonwabo Valashiya
Mixage et montage sonore Emmanuel Soland
Étalonnage Olivier Dassonville
Financé par CNC, CNAP, Tënk, Procirep-Angoa en France
Yeni Film Fonu en Turquie
Extrait
Photos
L'avis de Tënk
Dans les bidonvilles du Cap, aller faire ses besoins est dangereux, au point même de risquer sa vie. L’odeur de l’insalubrité quotidienne de cette communauté oppressée traverse l’écran. Mais ce ne sont pas les excréments qui empestent le plus, c’est bien l’odeur de la trace indélébile qu’a laissée la politique de l’apartheid. À travers les témoignages filmés par le réalisateur, dit « le blanc », on découvre que « juste vouloir tirer la chasse d’eau » est bien plus politique qu’il n’y paraît.
- Sarah Gutierrez & Solène Calpe (Chargée de sociétariat & assistante de communication et marketing de Tënk)
Biographie du réalisateur
Yoel Meranda est né à Istanbul en 1981. Ses vidéos expérimentales ont été projetées dans de nombreux festivals internationaux, notamment à Toronto, Édimbourg et Thessalonique. Il a produit Albüm (Album de Famille) qui a remporté le Prix Révélation à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes 2016 et The Pageant (La Compétition) présenté en première mondiale en compétition internationale au festival Visions du Réel 2020 et sur Tënk.
Yoel vit à Paris depuis 2017. Il a été sélectionné pour la résidence d’écriture du Moulin d’Andé en 2018 pour son projet de premier long-métrage de fiction, une adaptation contemporaine de Balzac. Son article Politiser le travail du sexe en adaptant « Splendeurs et misères des courtisanes » a été publié dans la revue CinémAction en décembre 2019. Son article sur Rizi, le dernier film de Tsai Ming-Liang, a été publié dans le journal Film Parlato en juin 2020.
Pour plus d'infos: https://linktr.ee/yoelmeranda
Note du réalisateur Yoel Meranda
Je suis originaire de la Turquie, un pays où les injustices infrastructurelles sont nombreuses. Pourtant, la première fois que j'ai entendu parler du manque de toilettes sanitaires dans les quartiers informels d'Afrique du Sud et de l'ampleur du problème — qui touche des centaines de milliers de personnes rien qu'à la périphérie du Cap —, j'ai dû me poser et réfléchir. Jusqu'alors, je n'avais jamais considéré l'inégalité d'accès aux toilettes sanitaires comme une atteinte aux droits humains. Je n'avais jamais entendu parler non plus de l'utilisation des latrines comme technique de protestation, comme dans le cas des "Poo Protests". Le sujet m'intriguait en tant que cinéaste. J'ai donc commencé à me documenter sur l'histoire politique de l'Afrique du Sud et du néocolonialisme. Cependant, quelques questions fondamentales ont persisté au fil du temps : Ce film devrait-il être réalisé ? Les résident·es des quartiers informels voudraient-ils·elles que ce film voie le jour ? Et surtout, comme je ne suis pas originaire des quartiers informels ni même d'Afrique du Sud, dois-je participer à la réalisation de ce film ? Des questions auxquelles les livres que je lisais ne pourraient jamais répondre.
En décembre 2017, après avoir contacté l'assistant-réalisateur Nahum Thulani Deke et le photojournaliste Masixole Feni (qui documentait cette situation pour le journal politique GroundUp), j'ai pris la décision de me rendre au Cap et de rencontrer les habitant·es des quartiers informels pour leur demander ce qu'ils·elles pensaient de tout cela. Leurs réponses, chacune dotée d'une personnalité puissante, sont ce qui constituent Excrétapolitiques. C'est leur envie de s'exprimer devant la caméra qui est la base du film. Pendant le montage avec Tsholofelo Monare, nous avons essayé d'ouvrir le plus grand espace possible à leurs voix. À notre avis, ce que Nokonwaba, Louisa, Sizwe, Anezwa, Nosipho, Shooter, Singilizwe, Zukiswa, Mike, Sisipho et Lilitha avaient à nous dire est d'une grande urgence — et pas seulement en ce qui concerne l'Afrique du Sud.
Note de production du producteur Xavier Rocher
Avec Excrétapolitiques, Yoel nous propose un film en immersion dans l’un des plus grands bidonvilles de population noire d’Afrique du Sud. Le récit des habitants des quartiers informels construits autour du Cap à propos de la quasi-absence de gestion des excréments de cette zone d’habitations permet à Yoel de révéler la persistance de l’apartheid plus de vingt ans après son abolition et la présidence de Nelson Mandela. Par le biais de cette situation humanitaire insoutenable, Yoel élabore un questionnement politique sur les droits humains fondamentaux, et sur certaines formes d’oppression politique moins évidentes comme le droit à l’accès à des toilettes propres et à des systèmes sanitaires. Il initie également une recherche formelle qui lui permet de filmer de manière presque intime — et malgré sa différence de couleur de peau — le récit de femmes et d’hommes vivant une crise sanitaire au quotidien et confrontés à l’inaction des pouvoirs publics.
Note de production de la coproductrice sud-africaine Bongiwe Selane
Dès la première fois que Yoel m'a parlé de ce projet, je n'ai eu aucun doute sur le fait que je voulais m'impliquer dans ce projet et que l'histoire des habitant·es de Khayelitsha devait être racontée. J'ai été attirée par le projet parce qu'il évoquait la façon dont mon pays avait en quelque sorte échoué à tenir la promesse faite à la fin de l'apartheid par nos pères fondateurs, à savoir assurer la dignité de la majorité noire d'Afrique du Sud.
L'histoire qui a résonné en moi est celle de Michael Komape, 6 ans, du village de Chebeng, dans la province de Limpopo, qui est tombé en 2014 dans les toilettes à fosse de son école et est décédé, cette histoire choquante ayant fait la une des journaux dans tout le pays, et mettant en évidence le manque de prestation de services essentiels pour les communautés marginalisées. Dans la province du Cap-Occidental, Siphesihle Mbango, de Khayelitsha, avait tout juste six ans lorsque son amie Asenathi a disparu et n'a jamais été revue lorsqu'elle a quitté sa classe pour aller se soulager dans les buissons. Ils vivaient dans l'un des plus grands bidonvilles du monde et devaient se contenter de toilettes temporaires inadéquates comme des porta potties ou des toilettes chimiques pour se soulager, tandis que d'autres n'y avaient pas accès du tout et devaient utiliser les champs ou les buissons. Utiliser les toilettes dans les quartiers informels comme Khayelitsha est devenu l'une des activités les plus dangereuses pour les résident·es, en particulier pour les femmes et les enfants. À tel point que les protestations en faveur des prestations sanitaires de base pour les communautés noires sont devenues quotidiennes : de nombreuses personnes ont été blessées et tuées alors qu'elles protestaient pour défendre leurs droits à l'eau et à l'assainissement.
Dans le film, Yoel libère un espace de dialogue pour les personnages, leur laissant la liberté de raconter leur histoire de la manière la plus honnête qui soit et de partager leur vérité. De plus, il parvient à leur donner de la dignité — cette valeur inhérente qui est un droit de naissance pour chaque être humain, mais qui a été refusée aux résident·es de ces communautés. Au fond, Excrétapolitiques met en lumière la situation critique des populations marginalisées en Afrique du Sud, où les dirigeant·es sont motivé·es par l'appât du gain et proposent des solutions indignes et temporaires plutôt que des solutions à long terme.
Contact
Yoel Meranda (Kamara)
Xavier Rocher (La Fabrica Nocturna Cinéma)
Bongiwe Selane (Blingola Media)
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